http://jurista33.fr/dotclear/index.php/?post/2021/03/05/Formalit%C3%A9s-de-publicit%C3%A9-et-de-mise-en-concurrenceSur les notions de critères entre l'accord-cadre et les marchés subséquents, le TA prend le strict contrepied de l'interprétation de la Commission européenne dans sa fiche FICHE EXPLICATIVE – ACCORDS CADRES – DIRECTIVE CLASSIQUE - document CC/2005/03 rev1 FR du 14.7.2005, document rédigé sous la directive" marchés publics" 2004/18/CEE, alors même que la nouvelle directive 2014/24/UE qui lui a succédé n'a pas fondamentalement changé de paradigme dans son corps.
Le juge a censuré le fait de laisser un critère au seul stade de l'accord-cadre, ce qui a été peut paraître justifié et correspond à ce que j’enseignais il y a plus de 15 ans recommandant de laisser aux soumissionnaire la possibilité d'améliorer en MS leur offre sur les critères qui avaient prévalus au choix de l'accord-cadre .
Mais j’y mettait néanmoins la réflexion suivante. En quoi ferait-on pire par cette méthode de figer des critères en terme de respect des principes qu’une procédure restreinte où l’acheteur public peut se permettre juridiquement d’éliminer un candidat pourtant capable mais moins bien placé sans même avoir une connaissance d’offre
Donc à mon analyse juridique, si l’accord-cadre en procédure ouverte ne descend pas en dessous du nombre minimum de retenus correspondant à celui des candidats à choisir en procédure restreinte (art. R. 2142-17 du CCP : 5 en appel d’offres restreint et 3 en procédure avec négociation ou en dialogue compétitif), il n’y a pas d’atteinte aux principes en figeant un ou des critères, le restreint faisant bien pire en terme d’élimination arbitraire. Cependant même en ce cas je maintenais ma recommandation, car les entreprises plombées par un ou des critères figés en accord-cadre peuvent vite se lasser de concourir aux MS et pourquoi l'acheteur se priverait-il de possibles offres de meilleur qualité ?
L'obligation d'incorporer un critère prix ou coût dans l'accord-cadre me parait ne pas répondre à la philosophie européenne de ce type de montage. Le juge a en fait suivi l'analyse de la DAJ sur sa fiche conseil portant sur les accords-cadres sur ce point.
Il faut dire que la rédaction des considérants de directive de 2014/24/UE n'a pas gagné en clarté et peut faire affirmer tout et son contraire.
Mais surtout cette interprétation risque de plomber l’intérêt de cette pratique en faisant fuir les soumissionnaires par défaut de maintien de l'attractivité de ce type de montage si leur prix maximum ne sont plus tenable et de laisser l'acheteur en accord-cadre sur le carreau en l'attente de MS qui ne viendront pas.
Par ailleurs, dans un contexte de prix très fluctuant, il est difficile pour une entreprise de figer un prix maximum et elle prendra alors une marge d'erreur au détriment de l'acheteur. Car pour l'acheteur à qui le juge obligerait à l'AC de prendre en compte le prix ou le coût, il faudra bien qu'il les exprime sous forme de prix maximum, car dans le cas contraire ce serait alors les rejetés de l'accord-cadre sur ce critère qui seront en risque de rupture d'égalité de traitement.
Pour prendre l'exemple d'un marché d'engin de chantier, il est bien évident que l'entreprise qui en aura un de disponible à proximité sous la main pourra faire un prix canon au moment de passer un MS. Alors pourquoi prendre le risque de l'éliminer en offre de base à l'accord-cadre qui serait insuffisamment compétitive du fait du critère prix dans le classement ? Les ultramarins souvent exposés aux intempéries et à des obligations de déblaiements le savent bien. Alors pourquoi en priver les acheteurs ?
Faudra t-il attendre le décret des dérogations pour intérêt général pour résoudre au moins partiellement ce type de problème et si tant est qu'il soit euro-compatible ?
Bizarre alors même que le code de la commande publique avait dans sa rédaction abandonné le caractère de "contrat" de l'accord-cadre (ma lecture du droit européen étant depuis l'origine que ce n'est qu'un simple pré-contrat qui attend sa locomotive de MS) et qui a réduit l'accord-cadre à une simple "technique", voilà que le juge veut en faire un "marché" en sens plein.
Bref encore un exemple ou les grands corps de l'Etat font passer une lecture supposée correctement juridique de la lettre du droit en ignorance de l'efficience économique. Faut-il encore s'en étonner ? Le moins qu'aurait pu faire le juge dans cette affaire aurait été de solliciter l'interprétation du juge européen.
Dominique Fausser